L’arcane 18 c’est la Lune qui est rattaché à la famille des planètes. Avec l’Etoile, l’arcane la Lune symbolise le monde nocturne, la face sombre et irrationnelle des événements et également, au niveau de l’individu, l’inconscient tout comme la profondeur du sentiment, de la sensibilité. La nuit peut être un symbole de mort, par opposition au jour symbole de vie.

Je vous rappelle la proposition formulée au début de cette année. Depuis le 4 janvier, je publie chaque jour (lorsque je n’oublie pas) les les trente-trois chapitres de ce roman inédit sur mon site www.fulvio-caccia.com. ici vous ne lirez qu’un extrait . Si vous voulez lire la suite vous n’aurez qu’à cliquer sur le lien du blogue. A bon entendeur, salut !
18.
Heureusement, l’hallucination n’avait pas duré. Toutes sortes d’images agréables ou sanguinaires s’étaient bousculées ; des réminiscences se ramifiaient en sensations multicolores pour devenir sons harmonieux ou alors cacophoniques. C’était comme si ces myriades de sensations appartenaient au monde d’avant, le monde d’avant ma naissance, elles refluaient par pulsations comme des galaxies lointaines ou alors comme le ressac de la mer ; un point lumineux se mit soudain à grossir. Je n’avais pas peur. J’avais cessé d’avoir peur. Ce tourbillon sensoriel, j’en étais le prolongement. Ma conscience s’ouvrait à la totalité des sentiers qui, jusqu’ici, étaient restés obstrués. Je ne les subissais plus. Car ces images m’appartenaient désormais ; elles faisaient partie de moi. Au demeurant, elles en avaient toujours fait partie. Mieux. Ces images, c’était moi ! Puis il y eut le rayon laser. J’ai eu la nette impression qu’il me vrillait le front à l’endroit exact du troisième oeil ! Puis brusquement ce toubillon de sensations s’était résorbé, me laissant momentanément avec une quinte de toux incompressible.
De tout cela, je me suis bien gardé d’en parler à Michel. J’ai prétexté un malaise dû à la fatigue et au stress. Je l’ai quitté en disant que je me sentais « retourné comme un gant ». Ce qui était d’ailleurs la vérité. Il m’a regardé avec un drôle d’air et m’a recommandé de prendre de la Ventoline, car le pic de pollution était encore trop élevé. Je l’ai rassuré en claquant la porte de la voiture puis je suis monté dans mon bureau. J’ai aussitôt ouvert mon ordinateur.
Je brûlais de vérifier une idée qui me trottait dans la tête depuis un moment.
L’écran de mon ordinateur grésilla et apparurent, sur la page d’accueil du moteur de recherche, les dizaines d’items concernant ma demande. Etais-je bête. J’avais fait comme tout le monde, je m’étais arrêté aux premières sélections proposées par le moteur de recherche. Il s’agissait d’aller plus loin. Mon instinct ne m’avait pas trompé ; à la quatrième page j’ai trouvé ce que je cherchais. Il s’agissait d’une courte fiction hébergée sur le blog d’une célèbre radio rock. Fait intéressant, sa publication sur le net était contemporaine des événements.
Ce récit se déployait sur sept micro-chapitres écrits dans une langue approximative. Disons que c’était une ébauche de roman néo-gothique. Mais c’est l’intrigue qui attira mon attention. Mike Carson, beau ténébreux et accessoirement professeur d’histoire-géo de vingt-sept ans, avait été poignardé par Melody, une lycéenne qui en était follement éprise. Son mobile : « l’avoir trompée ». Or le plus curieux, c’est qu’elle avait signé son crime en laissant une branche de lys et une page de grimoire à moitié consumée. D’où le titre : Meurtre au lys.
Pour pimenter le tout, c’était le meilleur ami de la victime, l’ex-commissaire Corbo, démissionnaire après le décès de sa femme, qui avait insisté pour s’occuper de l’enquête. L’histoire s’arrêtait abruptement lorsque le jeune commissaire, venu enquêter au lycée, croisa le regard de la ténébreuse Melody. Je suis resté baba.
Comment l’auteure – car c’était une toute jeune fille – avait pu être au courant du meurtre ? Une lecture approfondie m’a révélé que même les appels répétés de ses cyber-amis – ils étaient cinq – n’avaient pas réussi à la convaincre de poursuivre son histoire dont la diffusion du dernier chapitre était datée du 30 juillet 2008.
Qu’est-ce que tout cela voulait dire ? J’avais l’impression que les territoires de la réalité se déplaçaient constamment, tel un pôle magnétique. Il avait suffi que je tape ma requête sur le moteur de recherche pour que ce fait divers apparemment singulier se double de son avatar fictif ! C’était trop beau pour être vrai.
J’ai jonglé un moment avec l’ensemble des hypothèses. Tout se passait comme si Internet rendait ipso facto visible l’infinie variété du réel sans que celui-ci soit filtré par une quelconque censure ou instance de validation. Tout était là sur la Grande Toile : il suffisait de chercher. Solution de facilité ? Peut-être. On aurait dit qu’elle avait absorbé, tel un buvard, la totalité du réel. Dès lors, mon travail consistait à accumuler ces bribes, ces poussières d’éléments et à les relier sous les projecteurs de la scène.
D’autres questions surgissaient. Qui donc était cette Lysandra qui avait signé ce récit ? Sa manière d’écrire, ses descriptions, l’intrigue amoureuse assortie de vengeance, tout cela fleurait bon l’adolescente rebelle. Son profil semblait l’attester. Sa photo : une bouche lippue se désaltérait goulûment à un jet d’eau. Sur la fiche signalétique, elle avait ironiquement indiqué « fille 2012 ans »! À la rubrique « cherche », elle avait écrit : « mec et nana ». Ses cyber-amis, qui devaient avoir le même âge, avaient adopté le même style gothique, avec des illustrations à l’avenant.
Ma montre indiquait 16 h. Le soleil était encore haut. Un sentiment d’étrangeté m’envahit. Ce monde m’était étranger. Il y avait une certaine légèreté et une audace à se jouer ainsi des codes du privé et du public. Et pourtant, ce microcosme aux multiples intrications était beaucoup plus proche de ce que j’avais essayé de décrire dans mon roman. Je me suis aussitôt mis à écrire.
« Chère Lysandra,
Je ne sais pas si tu existes vraiment ou si tu es l’émanation du « Community Manager » de la radio. Quoi qu’il en soit, je voulais te dire que je suis tombé sur ton histoire par hasard et qu’elle m’a touché à un point que tu ne peux imaginer. Car ce que tu as commencé à raconter est réellement arrivé, avec des variantes certes, mais au moment même où tu l’as publié sur Internet. Cela est d’autant plus troublant que plusieurs détails concordent comme si tu les avais anticipés. C’est pourquoi je t’écris aujourd’hui. Je souhaite savoir ce qui t’a inspirée. Quelle a été l’origine de ton récit? J’ajoute que de ta réponse dépendra la suite de l’histoire. J’insiste sur ce point.
J’espère que tu liras cette lettre et que nous pourrons convenir d’un rendez-vous  » pour de vrai! ».
Confraternellement,
Richard Burns
J’avais utilisé l’un de mes pseudos. Un clic fit partir la lettre. Bien entendu, je savais que les chances de réponse étaient infinitésimales. Mais au moins avais-je essayé.
Dans la foulée, j’en ai profité pour consulter mes mails. L’un d’eux me fit sourire : Max, le gros Max, m’invitait au vernissage du dernier tag de la rue Marcel-Duchamp. Le vernissage avait lieu le jour même. J’ai consulté ma montre. J’avais juste le temps d’enfourcher mon vélo.

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