Plus que neuf chapitres ! Vous pourrez ensuite les imprimer , les relier et vous demander une dédicace ! Tout ça gratis. Chanceux va! .
En attendant, je vous rappelle la proposition formulée au début de cette année. Je publie (lorsque je n’oublie pas) les les trente-trois chapitres de ce roman inédit sur mon site www.fulvio-caccia.com. ici vous ne lirez qu’un extrait . Si vous voulez lire la suite vous n’aurez qu’à cliquer sur le lien du blogue. A bon entendeur, salut !
24.
La page était bel et bien tournée. J’ai continué ma route et je me suis engouffré dans la station du RER sous le musée d’Orsay. Le règlement du divorce que je n’espérais plus imprimait en moi une étrange impression. C’était comme si je me retrouvais, vingt ans plus tôt, au moment de mon arrivée dans la capitale. Que s’était-il passé ? Où avais-je loupé le coche ? Le départ de Judith m’ouvrait de nouvelles opportunités. Mais lesquelles ? Et saurai-je m’en emparer? Le doute, toujours le doute.
J’ai regardé mes mains ; elles tremblaient légèrement. Autour, les usagers du métro entraient et sortaient par flots continus. Je me suis assis et ai regardé ma montre : plus de deux heures à attendre avant le rendez-vous avec l’avocat que lui avait trouvé Jim. Soudain la fatigue tomba sur moi comme si le dénouement de cet épisode de ma vie me permettait enfin de me relâcher. Je me suis assoupi quelques secondes ou quelques minutes, je ne sais plus. Des images, peut-être de souvenirs ou simplement l’ombre des voyageurs ont dansé devant mes yeux. Je les ai ouverts alors que je pensais les avoir fermés.
C’est alors que je la vis. C’était elle. J’en étais sûr. Elle sortait de la rame, lut le panneau d’indication et s’engagea vers la sortie. Elle n’avait pas changé ; sa démarche un peu timide, sa taille et son regard intense et curieux.
Dans la cohue, elle ne m’avait pas remarqué. Je me suis levé aussitôt et me mis à la suivre. D’autres images affluèrent : la première rencontre au café Daphné. J’ai senti tout de suite qu’elle était différente. Nous avions alors beaucoup parlé, elle m’avait dit qu’elle me donnerait bien un coup de main pour la correction d’épreuves de la revue. On s’était revus avec toute la bande. Puis en tête-à-tête…
Elle marchait d’un pas nonchalant et observait les façades comme si elle cherchait à en distinguer un détail : vitrail, corniche, beffroi. Sa démarche était insouciante. Elle longeait maintenant la rue de Lille. Soudain, s’apercevant qu’elle était suivie, elle se retourna. Elle ne bougea pas, me fixa droit dans les yeux. Un sourire énigmatique naquit sur ses lèvres. J’ai soutenu son regard, ne sachant trop si je devais avancer vers elle ou rester immobile. Alors elle baissa délicatement la nuque, un geste lent et gracieux comme la première fois que nous nous étions rencontrés. Mon cœur bondit dans ma poitrine. Car ce mouvement souverain du cou que les femmes ont parfois n’était pas de la soumission mais l’expression du consentement. Et je me retrouvais brusquement comme ce jour-là, ébloui, confus, ne sachant plus quoi dire. C’est elle d’ailleurs qui rompit le silence.
– Je savais que j’allais te rencontrer.
Elle sourit.
Je voulais que cela se fasse par hasard.
Paris, c’est grand ! Nous aurions pu ne pas nous croiser.
Cela n’aurait eu aucune importance, rétorqua-t-elle.
J’ai hoché la tête, confus.
Que deviens-tu ? Nous avons tellement de choses à nous dire.
Tu crois ?
Je me suis mordu les lèvres.
Pardon. Je ne voulais pas être indiscret. Peut-être n’es-tu pas venue seule ici ?
Une voiture klaxonna. J’ai tourné la tête.
J’aurais voulu t’inviter à dîner. Je n’ai pas cessé de penser à toi.
Menteur ! ironisa Corine.
Elle redevint sérieuse et poursuivit.
Je me suis demandé ce que je ferais si je te rencontrais.
Elle se tut, baissa les yeux, puis me fixa.
Allais-je t’ignorer, t’éviter, t’engueuler, fuir… Et puis maintenant…
Maintenant ? répondis-je avec une pointe d’anxiété.
Elle esquissa un sourire.
Je pars demain.
J’ai regardé autour de moi.
Qu’est-ce que tu as envie de faire ? lui demandais-je.
Marcher sur les quais.
Refaire à rebours avec mon ancienne flamme le trajet que je venais d’effectuer avec mon ex-femme vous paraîtra sans doute cocasse ou déplacé. Mais moi, au contraire, cela m’amusait. J’y voyais à l’oeuvre cette logique gémellaire de la reduplication qui avait forcé la porte de ma maison depuis trois semaines. Je ne cherchais pas à comprendre. À quoi cela aurait-il servi d’ailleurs ? Je n’avais qu’à vivre l’instant présent ; être à côté de Corine, lui dire ce que je n’avais pas su lui dire auparavant. Et cela seul comptait. Nous nous sommes engagés dans l’étonnante descente d’escaliers de pierre qui s’ouvre sur la Seine. Nous avons marché un moment sans échanger un mot.
Maintenant, sous la frondaison des arbres, d’immenses cumulus couraient dans le ciel et le transformaient en un paysage alpin avec ses crevasses, ses versants et ses pics neigeux.

Et ta fille Gabrielle ? lui ai-je dit.
Elle va bien. Elle a un amoureux et attend un bébé.
Et toi, tu es avec quelqu’un maintenant ?
Elle me regarda, un sourire en coin.
Après le père de Gabrielle, j’ai vécu dix ans avec un homme. On a décidé ensuite de conduire chacun sa vie. Et toi, répliqua-t-elle, mis à part de défrayer la chronique?
C’était la deuxième fois qu’une femme me faisait la remarque durant la matinée.
Comment l’as-tu su?
Nous aussi nous avons la télé ! C’est David qui l’a dit à ma fille.
Depuis deux semaines, tout se bouscule. Je ne sais pas ce qui se passe.
C’est à cause de ton bouquin ?
C’est drôle. Les rares personnes qui l’ont lu me reprochent d’en avoir trop dit ou pas assez sur eux et les leurs.
Moi je l’ai lu !
Ah bon ! J’espère que tu ne t’y es pas reconnue aussi.
Cela m’aurait étonné.
Pourquoi ?
Elle réfléchit.
C’est un roman de mecs, de transmission.
Déçue?
Elle fit la moue.
J’étais curieuse de savoir comment tu allais transformer la réalité en fiction. Allais-tu parler de notre relation ? Tu vois, ma motivation était très frivole.
Un sourire complice s’afficha sur son visage.
Et ce meurtre alors, il a bien eu lieu?
Oui ! Mais pas là où je l’avais imaginé. Et ça change tout. D’ailleurs, je ne suis pas seul à l’avoir pour ainsi dire anticipé. Mais c’est moi qui écope.
Elle éclata de rire.
C’est sans doute parce que tu es un homme. Et que la culpabilité te colle à la peau.
Elle avait raison. Je la vis s’arrêter et mettre ses mains sur les hanches.
Et moi ? tu ne m’as même pas donné de rôle ! Si tu l’avais fait, ton roman serait devenu un best-seller ! dit-elle d’un ton faussement sévère.
Dans le prochain, c’est sûr… si je sors de la mouise !
Quel rôle me réserves-tu ?
Le meilleur évidemment. Que dirais-tu de celui que tu interprètes maintenant ?
La revenante ?
Non ! La belle au bois dormant !
Notre rire commun se prolongea un long moment.
A cet épisode, il faudra que tu m’embrasses !
Elle tendit ses lèvres et ferma les yeux.










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