L'affaire Weinstein : retour sur le droit du plus fort
Que nous révèle l’affaire Weinstein que nous ne sachions déjà ? Que les mâles dominants, en situation, de pouvoir, s’accaparent des femmes et humilient leurs fils et les hommes en position inférieure ? Que les rapports sociaux ont été et demeurent d’abord des rapports de domination du fort à l’égard du faible ? Tout cela, chacun le sait depuis belle lurette. Naguère Freud l’avait même théorisé par le mythe du meurtre du père en chef de la horde sauvage. Ce sont les fils conjurés qui renversent le despote et qui ensuite, pris de remords coupables, en font un dieu.
Il aura fallu à l’humanité un long détour pour civiliser ces rapports brutaux en développant notamment la conscience de la différence à travers la subjectivité et l’invention de l’altérité. Or la première des différences est bien celle entre homme et femmes.
Une étape important a été franchie au Moyen-âge lorsque les femmes de la Cour ont imposé à leurs compagnons mal équarris, une code de déontologie pour les approcher. Ce fût l’amour courtois que chantèrent troubadours et trouvères. En Occident, il a servi de modèle aux comportements entre sexes. Le « finamor » devenait une valeur reconnue dans l’espace public alors (constitué par la Cour). Cette civilité nouvelle (qui reste toujours en devenir) entre homme et femmes devait déborder le cadre interpersonnel et donner naissance à nos cultures modernes. Car les poètes du moyen age ont été aussi ceux qui ont accompagné l’avènement des futures langues et cultures nationales ainsi que les droits qui devraient leur être consenties. C’est ainsi que l’amour courtois et ses artisans a servi de clé de voûte aux droits fondamentaux qui constituent notre modernité. Et non l’inverse.
Or l’hyperindividualisme qu’attise l’ultraliberalisme a pour objectif avoué, on le sait aussi, de détruire ces droits fondamentaux pour revenir au droit naturel . C’est à dire au droit du plus fort. On sait comment Rousseau et les philosophes des Lumières ont lutté contre les tenants du droit naturel pour le déconstruire et imposer un droit positif dont le contrat social en constitue la base. Et c’est bien ce contrat social qui est menacé aujourd’hui.
En ce sens l’affaire Weinstein est un marqueur politique. il nous signale deux faits qui sont liés; l’état pitoyable de la sociabilité entre sexes lequel reconduit l’état pitoyable de nos rapports sociaux, l’un renvoyant à l’autre. Le défi qui nous devons relever consiste donc à reconstruire cette sociabilité en réinventant ou en redécouvrant cet amour courtois, base contrat social d’un nouvel état : l’état-culture. A bon entendeur, salut !