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L’écorce du temps

DE RUSCA E D’OMBRA, d’écorce et d’ombre, Guy Mathieu, avec trois photos, l’Aucèu libre, 2023, 35 pages.

C’est en occitan, sa langue maternelle, que Guy Mathieu tutoie le vent dans cette manière d’églogue méridionale. Y résonnent la roucoulade de l’oiseau, le bêlement de l’agneau, le gargouillis des ruisseaux, mais aussi le cliquetis presque étouffé des fusils…quand se nosian lei dets/dins l’ombra,/a la chut chut/sus d’armas vièlhas/Pas tant escondudas/que lo nom dei sordats/quand les doigts se nouaient/dans l’ombre/à la dérobée/sur de vieilles armes/.

Car, la plaine « au milieu des coquelicots/que tu voies ondoyer sur les vagues des blés » est peut-être un ancien champ de bataille. Le calme qui y règne est trompeur. Le narrateur le traverse pour retrouver la mémoire des guerres oubliées. C’est ainsi que le poème interpelle le narrateur, mais aussi par-devers lui, le lecteur pour le conduire sur le sentier de l’enfance. Mais, à l’instar d’Orphée qui revient des enfers, il ne fait pas se retourner…

On retrouve ici les échos de la violence originelle que vient attiser la Technique au grand dam de la Loi censée l’interdire. La guerre est la suspension de la « violence légitime » que l’État détient. On peut désormais tuer en toute bonne conscience. Que reste-t-il alors sinon la parole et la Poésie. Celui qui a tué ton frère/est peut-être ton voisin/, mais jamais il ne viendra voir/dans la pureté de tes yeux.

La genèse de ce poème, qui fut d’abord écrit en occitan, suit un chemin de traverse. Voici ce qu’en dit le poète : « j’ai écrit ce long poème lors de l’éclatement de la Yougoslavie, mais sans y faire référence ; je fis ce texte sur les guerres fratricides (ne le sont-elles pas toujours ?), en pensant entre autres au massacre des Vaudois (enfumés dans une grotte près de chez moi),  aux Résistants de toute sorte et de toutes les époques. Je donnais ainsi une intemporalité à ce fléau que l’homme découvrit en inventant l’outil, ce qui revenait à inventer les armes ! Il fut presque intégralement publié avant l’an 2000, dans la revue “Oc”, sans traduction française. À l’occasion de nos rencontres ALEM à Zadar, en 2019, j’ai confié le poème à Vanda Miksic qui en a supervisé la traduction faite par ses étudiants de l’université de Zadar, et le résultat parut en croate dans la revue Tema, en 2020. Et ce n’est qu’à présent que ceux qui ne lisent pas le croate découvrent en occitan ou en français la totalité de ce poème ! Je ne voulais pas écrire sur l’actualité événementielle, ce que font très bien les journalistes, mais sur la violence humaine qui demeure d’actualité. Hélas ! »

L’écorce du temps

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