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Poésie du vent et de la mer

Enfin un poème qui a du souffle ! Dans ce paysage poétique français  anémié par soixante ans de formalisme, les poètes qui ont de la respiration se comptent encore sur les doigts des deux mains. Jean-Denis Bonan en fait partie. Son lexique fleure bon l’iode du grand large . Écoutez donc.  Rafales et tourments. Opéras de fugues et de bassons porté par nos vaisseaux et le chant des hautecontres !… ou encore   Je… heurts ??? à-coups… secousses… serai océan. J’aurai la voix aiguë des filles, un souffle patient sur la fête du songe, allée si lente fille au pied de la montagne, ravie face au vent . Bonan est un « late bloomer » . Lui qui a pratiqué des décennies durant le cinéma expérimental et le documentaire, voilà qu’il troque avec bonheur la caméra pour le stylo. Il n’est pas le seul aujourd’hui à sauter le pas. Le scénariste et cinéaste Jean-Baptiste Andrea qui vient de remporter le prix Goncourt a fait de même. C’est à croire que la fréquentation des images au sens propre invite à les explorer au sens figuré. C’est-à-dire par l’écriture et les signes. Le romancier Michel Tournier avait déjà souligné ce paradoxe : seuls les signes permettent de désamorcer la fascination de l’image. C’est ainsi que par une ironique inversion de l’histoire, ce sont souvent les vieux ayant su se désembourber du marécage des images qui pratiquent une poésie de « jeunes ». Mais qu’est-ce que la jeunesse en poésie ? Doit-elle se faire irrévérencieuse, eschatologique pour plaire ? Que nenni ! Elle doit d’abord avoir un rythme ?  D’où le succès du Slam. Mais est-ce suffisant ?  Non. Souvent moralisante cette poésie performative pêche parfois par son excès formel.
Le vers  qui est scandé par Bonan  fait  écho à la grande tradition orale soutenue par une expérience  vécue et transformée en  « aventure spirituelle ».  Cette expression ne doit pas être  prise comme une expérience religieuse bien au contraire mais comme un  acte de liberté;  cela n’a pas échappé à l’œil du préfacier Loïc Céry qui rattache le poème autant à Saint John Perse qu’à Glissant. Scandé en trois parties, cette brève « offrande insoumise » fait la part belle autant « aquarelles » marines qu’aux femmes « tant aimées ». On pourrait craindre que le lyrisme puisse faire basculer le poème dans l’outrance .Mais l’équilibre est maintenu . Pourquoi ? Parce que Bonan ne cherche pas à faire d’effet. Et cela change tout.

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