Qui suis-je ?
Amorcé il y a plus de trente  ans, mon travail a pour objet essentiel les manifestations de l’identité confrontée aux brusques changements culturels, linguistiques et technologiques de notre époque. Né en Italie, ayant longtemps vécu au Québec, j’ai d’abord exprimé ces tensions par la création littéraire.

Mais cette expérience de la langue, j’ai voulu la vérifier chez les autres. Ce qui m’a conduit à codiriger une anthologie Quêtes qui témoigne de la transformation qui travaille la culture des fils d’immigrants au Canada au-delà de la barrière des langues. Quelques années plus tard, c’est la génération des poètes français nés après 1940, qui fut conviée dans Panorama de la poésie française contemporaine, approche de l’an 2000 [1]. Il s’agissait là également de saisir le déploiement d’une certaine francité à travers le langage même de la poésie. Cette démarche devait se poursuivre avec Voix d’Irlande et du Québec[2]. Membre fondateur de la revue montréalaise Vice versa[3], créée en 1982, j’ai été impliqué de très près dans la redéfinition de la notion de“transculturation” que le Cubain Fernando Ortiz, disciple de Malinowski, devait forger il y a soixante ans pour rendre compte de la diversité ethnolinguistique de son île natale.
Cette problématique s’appuyait sur l’expérience de l’immigration pour saisir la façon dont l’objet de recherche mue et se déplace vers le symbolique. La finalité était bel et bien de penser la culture par delà les contingences anthropologiques. Sous le signe du Phénix, série d’entretiens avec trois générations d’artistes d’origine italienne au Canada témoigne de cette transformation. Sous un autre registre, Métamorphoses d’une utopie ; pluralisme ethnoculturel en Amérique du nord fit de même en réunissant les actes d’un colloque à Paris III que j’ai co-dirigé. L’étude du roman francophone issu de l’immigration [4] pouvait donner de précieuses indications sur l’originalité et les limites de ces nouvelles représentations. J’en fis l’objet de mon intervention. Au cœur de ces interrogations sur l’américanité, le statut identitaire et politique de l’Amérindien détient une place déterminante. Je lui ai consacré un important dossier qui fut publié dans les pages du mensuel Le Monde diplomatique[5], aboutissement d’une série d’articles sur le Canada portant aussi bien sur sa littérature [6] que sur les conflits linguistiques [7] dans diverses publications comme Historia [8].

Ces contributions ont fait écho à un enseignement amorcé au même moment au département de lettres modernes de Paris X et portant sur la littérature québécoise. En posant les jalons d’une approche transdisciplinaire de la littérature et de la francophonie, j’ai voulu montrer comment cette jeune littérature permet de saisir la manière dont s’exerce le pouvoir symbolique dans la société. J’ai cherché à éclairer les rapports complexes qu’une ancienne colonie entretient avec la France, la langue française, le politique et finalement avec sa propre américanité. A ces néologismes divers qui enregistrent, en fonction de leur héritage même, un état de notre culture, s’en ajoute un autre tout récent : la cyberculture. Témoin de sa dissémination médiatique aux environs de 1993, je devais rédiger, sur demande de l’éditeur et essayiste Jean-Claude Guillebaud, un essai portant sur les représentations de la sexualité dans ce nouvel environnement virtuel. Les Connexions dangereuses [9] parurent à l’automne 1995 et proposent une réflexion sur la manière dont toute révolution technologique reconduit les mythes de la différenciation.

Comment ?
En reformalisant le matériau du langage au travers de nouveaux dispositifs, de nouveaux supports. C’est donc tout naturellement que j’ai été conduit à m’intéresser à la distribution de l’information sur les réseaux [10]. L’absence du français sur le net m’a aiguillé sur la crise de l’universalité à laquelle traditionnellement la langue française est rattachée. En télescopant les fonctions, naguère séparées, de rédaction, d’édition et de diffusion, les nouvelles technologies de l’information banalisent l’acte intellectuel et l’obligent à se redéfinir. C’est dans cette perspective que j’inscris ma réflexion sur la francophonie et la crise de l’universalité qui lui est concomitante en revisitant la littérature francophone [11] mais aussi les catégories du politique [12].

[1] Bernard Hreglich et Fulvio Caccia, Panorama de la poésie française contemporaine, approche de l’an 2000, Montréal, Moebius/Tryptique, 1991.
[2] John F. Deane et Fulvio Caccia, Voix d’Irlande et du Québec, Montréal/Dublin, Le Noroît/Dedalus, 1995.
[3] Vice versa, bimestriel transculturel et trilingue, Montréal, 1983-1996.
[4] “Roman francophone de l’immigration en Europe et en Amérique du nord : une perspective transculturelle” in Métamorphoses d’une utopie, Paris, Presses de la Sorbonne nouvelle/éditions Triptyque, 1992.
[5] “La longue marche des Indiens du Canada, vers la balkanisation tranquille du Canada” in Le Monde diplomatique, octobre 1992 p.12-13.
[6] “The Italian Writer and Language”, in Contrasts, comparative Essays on Italian-Canadian Writing, Montreal, Guernica, 1985.
[7] “Le Canada et le conflit linguistique”, in Le tribalisme planétaire, Paris, revue Panoramiques no 5, éditions Arléa/Corlet, 1992.
[8] “Montréal”, in Historia, no 546, Paris, 1992.
[9] Les Connexions dangereuses, Paris, Arléa,1995.
[10] “Enjeux et perspectives de la syndication en France et en Europe” in Mediaspouvoirs, printemps 1998.
[11] Voir “Anne Cuneo, Le triangle minoritaire ou l’éclectisme à l’épreuve de la transculture”, in revue RITM, no 12 , “Littérature féminine en Suisse Romande”.
[12] La republique mêtis, Paris/Montréal, Balzac/Le Griot, 1997. 1995-2001:

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