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Emigrés, fils ou petits fils-d’émigres ne soyons pas les idiots utiles des extrêmes. Parlez ! Maintenant !

  Fulvio  Caccia

 

Les émigrés seront-ils après les noirs et les juifs les boucs émissaires de nos sociétés dites libérales et bien pensantes ? Rien de nouveau sous le soleil, me direz-vous ! Car ce thème est dans l’air depuis belle lurette en Europe ; depuis que l’émigré a le malheur d’avoir le teint basané du travailleur maghrébin ou la peau noire de l’ouvrier d’Afrique subsaharienne. Mais cette peur dont on affuble à tort l’émigré risque de se retourner contre nos sociétés bien pensantes qui votent pour l’extrême droite pour supposément s’en prévaloir. Le résultat des législatives aux Pays-Bas l’illustre tristement. En faisant monter l’extrême droite comme durant les années trente, on favorise les fascismes et les mafias avec à la clef une guerre inéluctable ! La peur aura changé de camp favorisé par l’ignorance et l’indifférence des bien pensants. Et au bout du compte, il faudra bien que quelqu’un paie son poids de chair et de sang pour calmer les ardeurs des fous qui seront alors aux manettes. Or, cette fois, surprise ! Ce ne sera plus les anonymes minoritaires dont on découvrira, émus, le sacrifice, mais bien notre humanité qui risque de disparaître. Le péril est à ce niveau.  Les mécanismes du ressentiment et de la rivalité qui conduisent à ce désastre annoncé sont connus depuis longtemps. Freud a ouvert la voie en expliquant comment le désir fonctionne ; René Girard a ajouté à cette compréhension la spirale de la rivalité mimétique qui débouche sur le conflit et le sacrifice du bouc émissaire. La culture et l’éducation sont les seuls moyens pour s’en prémunir. Et cela passe par la connaissance de notre propre histoire familiale.

Plusieurs d’entre nous seront surpris de découvrir à quel point cette histoire est intimement liée à l’immigration. Qui n’a pas en effet un père, une mère, un aïeul qui ne soit pas venu d’ailleurs. Un bon quart de la société française a des origines étrangères. « La France est diversité », affirmait déjà l’historien Fernand Braudel. Il en va de même pour l’ensemble de nos sociétés contemporaines. Oublier cette histoire-là nous condamne à la mort. Alors que faire ? Il faut donc que ceux qui sont en mesure de parler, de témoigner de leurs expériences de fils ou de petits-fils de migrants prennent la parole. Maintenant. Partout. Tout le temps. Je n’ignore pas l’influence toxique des réseaux sociaux dont s’emparent les plus fous d’entre nous pour imposer leur délire. Je ne suis pas dupe de ces détournements et je suis conscient que cette exhortation aura peu d’écho. Mais il faut bien commencer ou recommencer encore. Comme fils et petit-fils d’émigrant ayant moi-même vécu dans trois pays différents, je ne peux accepter ce silence ahurissant dans lequel nous condamnent les manipulations de quelques-uns. Aussi j’exhorte aujourd’hui tous ceux qui le peuvent le faire. Parlez maintenant. Après il sera trop tard.

Emigrés, fils ou petits fils-d’émigres ne soyons pas les idiots utiles des extrêmes. Parlez ! Maintenant !

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