« Toute l’âme résumée » c’est par ce beau titre, emprunté à Mallarmé, que commence le voyage auquel nous convie Robert Giroux, ancien professeur, poète et spécialiste du grand symboliste. Toutefois ce n’est pas de de littérature dont il nous entretiendra dans ce charmant petit livre coloré illustré par Jacques Julien mais de son expérience d’enseignement au Burkina Faso et Haïti . Ces souvenirs que l’auteur croyait avoir oublié voilà qu’il resurgissent aussi vifs et prégnants que la veille! Mais pourquoi donc les évoquer à nouveau ? Parce que son amie et voisine s’étonne de la passion qu’anime l’auteur lorsqu’il lui parle de son expérience dans ces pays qu’elle s’apprête, à son tour, à découvrir. Telle est la question, devenue le sous-titre, auquel cet ancien professeur se met en tête de répondre autant pour lui-même et sa voisine que pour le lecteur-confident.
Dès lors on change de registre. Voilà des images de 40 ans qui reprennent vie : une vieille africaine aux mains sèches pile du millet dans une village de poussière. C’est là qu’a vécu le jeune collègue burkinabé. La frontière entre les classes sociales ne sont pas évidentes à franchir mais ce dernier réussit à les circonvenir avec une élégante modestie qui touche le narrateur. Lui-même n’est-il pas issu du milieu populaire ? Certes leur réalité n’est pas la même mais un mot la réunit : décolonisation . En ce début des années 80 les indépendances font encore vibrer et la décolonisation n’a pas dérivé vers les excès que sont l’appropriation culturelle et autres wokismes. A l’époque d’autres questions turlupinent le jeune professeur : comment enseigner à ces étudiants n’ayant jamais vu de neige que « son pays.., c’est l’hiver » ? Heureusement la musique est le meilleur des messagers. Les corps s’éveillent et les visages se dérident.
Je me souviens.
Robert Giroux
Toute l’âme résumé
Editeur Bouqinbec