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Chronique de Théo le merle : loi du talion ou loi mosaïque ?

« Ils sont fous ces humains. Ils n’ont pas de mémoire !!!! ». C’est ce que m’a chanté Théo le revenant dans sa langue de merle. Pour un peu,  je croyais ne jamais le revoir  ; mais il est retourné picorer ma pelouse en ces semaines fatidiques où  l’apocalypse de notre humaine condition s’est révélée à nous. J’exagère ? Pas du tout. Apocalypse cela veut dire révélation. Et quelle vérité le drame israëlo-palestinien  nous dévoile-t-il que tout le monde sait et que l’on veut pas voir ? Je lui redonne le sifflet à Théo pour qu’il nous le dise en ces mots. Et n’allez pas croire que les merles n’ont pas de culture !

Mon complice me prête plus de sagesse que j’en ai.  Par une cruelle ironie de l’histoire, le pouvoir israélien est en train d’infliger au peuple palestinien la même punition que les juifs avaient eux-mêmes subie lorsqu’ils ont dû fuir l’Égypte : l’exode dans le désert. C’est dans cet exil de 40 ans dans la souffrance et le désarroi que le peuple hébreu a eu la révélation de sa destinée. C’est la Loi que Moïse, descendant du Sinaï, leur dévoile. Les dix commandements, qui plus tard feront partie de la Torah,  se résument en un seul qu’il est bon de rappeler : tu ne feras rien qui nuira à autrui. Cette loi avait pour finalité de briser l’enchaînement de la violence induite par l’autre loi attachée aux tribus et au polythéisme d’alors : la loi du talion. C’est la raison pour laquelle Moïse en colère fracassera les tables de la Loi sur le Veau d’or vers lequel son peuple était revenu. C’est de cette loi mosaïque et de ses diverses mutations dont découle notre droit positif et l’ensemble des droits fondamentaux qui constituent l’assise de nos démocraties et nous permettent de vivre en paix. Et c’est ce droit précisément qui est aujourd’hui menacé, non seulement en Israël, mais dans le monde.
La vengeance, est le sentiment le plus naturel qui soit lorsqu’on est agressés. La légitime défense devient donc force de loi. Mais elle ne saurait nous exempter de l’examen de ses conséquences. Et les conséquences, elles, sont connues de tous depuis longtemps. Le retour de la barbarie. Dans cet enchaînement qui tourne en boucle, la tentation est grande d’en « finir une fois pour toutes ». Comment ? En niant à son agresseur toute humanité. Il devient ainsi facile de l’éliminer et en faire le bouc émissaire dont on pourra ensuite honorer le « sacrifice » puisqu’il nous aura ramené la paix ! Les travaux de Freud complétés par ceux de Girard ont démonté la mécanique impitoyable de ce mensonge qui sape depuis toujours les initiatives de paix. Le peuple hébreu l’a trop souvent vécu à ses dépens pour ne pas l’infliger à autrui. Les actes de terrorisme aujourd’hui, amplifiés par le nouvel environnement numérique, chauffé à blanc par les nababs ultralibéraux et les nouveaux candidats à l’Empire changent la donne. Ce qui semblait acquis depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale ne l’est plus. La petite musique d’un progrès ininterrompu qui comblerait les disparités de classe grâce à l’innovation et au marché ne tient plus. Que voulons-nous vraiment ? Succomber à la pétrification de la peur et l’ivresse de la vendetta ? Où tirer profit de l’expérience passée comme l’invitait à la faire le président américain (une posture assez rare pour un dirigeant américain qu’il convient de souligner ?) Il est facile ici d’emboucher les trompettes de l’antiaméricanisme comme celles d’ailleurs de l’anti-occidentalisme ? Trois cents ans de colonialisme laissent des traces. Mais, faut-il toujours que l’on soit comptable des malheurs du passé ? C’est le défi qui nous est posé aujourd’hui. Le pouvoir israélien se grandirait s’il sortait de cette confrontation stérile. Et la démocratie, discréditée, retrouverait son ballant en Israël, mais aussi dans le monde. Mais le pouvoir israélien aura-t-il ce courage ? Et les autres démocraties celui de l’appuyer en ce sens ?

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