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Qui trop embrasse … ( I)

La controverse de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques a surtout mis en exergue la dimension morale de certains tableaux qui auraient heurté autant les chrétiens que les citoyens attachés à une vision plus apaisée de leurs institutions républicaines. Les critiques auront aussi déploré la relégation des sportifs au rang de faire valoir d’une scénographie dédiée tout entière à la magnificence de l’art et de l’Histoire de France. Bravo l’artiste, se sont enthousiasmé les uns, soucieux de préserver la fragile unité nationale bousculée par un président disruptif, mais que la pluie bienvenue cette fois de médailles est venue miraculeusement rassembler. Haro sur l’artiste ! ont rétorqué les réactionnaires de tout crin (des anonymes aux politiques allant de Donald Trump à l’Iman Khomaney) en attaquant bille en tête l’impétrant, Thomas Joly, metteur en scène et vouant aux gémonies les droits obtenus de haute lutte par les membres de la communauté LGTB. Dans cette polarisation, il est difficile de faire entendre une voix différente sans être rabattu parmi les fielleux et les extrêmes. Et pourtant cet épisode pluvieux mérite que l’on s’y arrête. Elle illustre de façon exemplaire l’éternelle fracture au sein de nos démocraties dites libérales entre les classes populaires et banlieusardisées et les classes dites moyennes et urbanisées. Cette fracture a toujours existé. Elle a fait jadis l’objet de la lutte pour la conquête de droits sociaux et politiques avant d’être recouverte sous le vernis de la sociologie nord-américaine qui a transformé les classes en sortes de castes, se bousculant toutes pour se hisser au paradis du consumérisme mondialisé. Tous égaux devant nos sacro-saints objets de consommation ! Mais aujourd’hui, il n’est plus nécessaire de passer par la case «démocratie libérale » pour y parvenir. Le capitalisme s’est toujours fort bien accommodé des régimes autoritaires. L’encadrement du protestantisme et l’héritage de la Seconde Guerre mondiale qui faisaient encore obstacle ont été abandonnés. Le coup d’accélérateur est le décrochage du dollar de la référence à l’or le 15 août 1971, décidé par président Nixon. Aujourd’hui, la finance est devenue sa propre référence. De la sorte les régimes démocratiques n’ont pas besoin de citoyens éduqués, mais d’usagers conditionnés. C’est d’ailleurs sa finalité inavouée: une communauté universelle de consommateurs pavlovisés. Les démocraties dites «illibérales » ou « autoritaires» comme les qualifie non sans ironie l’historien Emmanuel Todd le lui servent sur un plateau d’argent. Horreur ! protestent avec raison les tenants des démocraties libérales attachées aux droits fondamentaux et à un humanisme qui depuis deux millénaires ont opposé Sparte à Athènes, la république de Rome contre les tentations impériales d’Auguste, bref les humanités contre l’absolutisme. Ce dualisme, vieux comme le monde , revient, en force aujourd’hui, entretenu par les plus hautes instances, masquant du coup la mythique troisième voie. Certains et pas des moindres, voudraient la trouver dans un socialisme régénéré par une social-démocratie qui redécouvre les vertus du combat de classe. C’est le débat actuel en France entre le nouveau Front populaire et le président de république pour la nomination du Premier ministre. Il serait tentant de s’en tenir là et faire l’impasse sur la réception esthétique en l’attribuant sans le dire à l’inculture des masses conservatrices qui n’ont décidément pas de goût et se doivent d’être instruites par l’éducation selon la vieille analyse marxisante. L’infrastructure détermine la superstructure. Et non l’inverse. « Toute discussion sur la culture doit de quelque manière prendre comme point d’appui le phénomène de l’art» affirmait naguère Hannah Arendt

Qui trop embrasse … ( I)

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La république ou l’empire ? Tel est le choix qui  incombe  aux  citoyens de chaque nation aujourd’hui. Les Américains  y sont confrontés bientôt. Le choix qu’il feront mardi détermineront la valeur des institutions démocratiques qui, depuis deux  siècles se sont efforcées  de contenir la volonté de puissance, la pulsion de mort dirait Freud, qui  fait partie de la condition humaine.